Cher Jean,
Il y a quelques jours à peine tu nous parlais de ton bonheur de te sentir en forme, du plaisir de pédaler avec tes amis… nous t’imaginions, alors, comme à la belle époque, lorsque tu entrainais dans ton sillage une armada de skieuses, toujours prêtes à en découdre. Ah ce vélo que tu aimais tant… !
C’était, pour nous, l’envers de la médaille ! Nous en avons partagé des kms de routes, de cols, de fatigue, de fringale, et de folie dans les descentes !! mais nous ne lâchions jamais, sûres de détenir là, le sésame qui ouvrait la porte à de nouvelles victoires ! Tu nous traçais la route, à vélo comme à ski… nous te suivions… confiantes…comme Marielle aime le dire « un pour tous et tous pour un ! »
Ensemble nous avons parcouru le monde entier, à l’assaut du « grand cirque blanc » : Grindelwald, Saint Anton, Sestriere, Garmisch, autant de noms qui résonnent encore dans nos têtes de bagarres sans merci !
Puis les tournées américaines : Aspen, Vail, Squaw-valley, Sun Valley, et, bien sur, les grands rendez vous : les Jeux Olympiques d’Innsbruck avec le double doublé historique de Marielle et Christine, les Championnats du Monde de Portillo où, parité oblige, les filles ramènent les mêmes médailles que les garçons, (8 médailles sur les 16 françaises), les Jeux Olympiques de Grenoble encore et toujours la Marseillaise à l’honneur, les Championnats du Monde de Val Gardena avec l’avènement des plus jeunes, et Les Jeux Olympiques de Sapporo où les médailles, uniquement féminines, ont sauvé la France d’une situation délicate !
Que de souvenirs, que de médailles, que d’émotions, que de moments forts ! Si tu es devenu au fil des années, l’un des entraineurs les plus médaillés au monde, tu étais aussi celui qui partageait, selon ton expression, « la soupe à la grimace » lorsque les résultats n’étaient pas à la hauteur de nos espérances. Que de patience, que de coups de gueule t’a-t-il fallu pour diriger cette équipe, pour l’accompagner et lui donner la chance d’être toujours aux premiers rangs ! Car pour toi, comme pour nous, l’exigence, l’excellence était notre quête !
Au delà des médailles qui resteront dans l’histoire, rappelle toi la razzia des françaises en terre autrichienne : 5 françaises en tête dans la descente de Badgastein… ou encore 3 françaises sur le podium du classement général de la Coupe du Monde, ou encore…mais il y en aurait tellement a te rappeler !
Tu étais le chef d’orchestre, à l’écoute de chacune… vaste programme que d’entrainer les filles disait-on ! Mais ton autorité naturelle imposait le respect et calmait le jeu de cette équipe de France en effervescence permanente. La route fut parfois difficile, et nous ne te l’avons pas toujours facilitée, alors aujourd’hui toutes réunies autour de toi, Marielle, Christine, Annie, Mado, Isabelle, Florence, Patricia, Christine, Cécile, Michèle, Britt, Ingrid, Danièle, Françoise, Jacqueline, Fabienne, nous te disons merci, merci de nous avoir permis de gagner, merci de nous avoir permis de devenir les meilleures skieuses du monde, merci pour ton dévouement, merci pour ta passion, merci pour tout ce que tu nous as donné, qui a contribué à ce que nous sommes devenues aujourd’hui, merci Jean. Tu resteras toujours dans nos cœurs.
Florence Steurer
Pour l’équipe des filles
Le chagrin nous rend meilleur
Je t’écris de Bramefarine, à l’endroit où le Savoie et le Dauphiné, sont comme deux sœurs ! Quel symbole…
Nous tous rassemblés aujourd’hui dans cette église, nous t’accompagnons avec ferveur et admiration vers ta nouvelle étape.
Notre aventure extraordinaire a commencé en 1961-62 dates à laquelle Titine et moi sont entrés à l’équipe de France de ski.
Et au même moment « les flèches de Cupidon avaient frappées vos cœurs à Titine et à Toi »
Tu faisais parte de l’équipe de France et formait un quatuor inséparable avec Lacroix, Perrot et Gaiddon.
Et puis un accident de descente à déclenché ta nouvelle carrière.
Honoré Bonnet t’avait remarqué et voulait te prendre dans son équipe aux championnats de monde à Chamonix tu t’occupais de groupe filles.
Là tu m’a prise en main sur la descente des Houches et la medaille d’or du championnat du monde du combiné, je te la dois.
J’avais seize ans, tout à apprendre et toi tu m’as tout donné.
Ensuite comme chacun le sais mon caractère a fait le reste, j’ai dit à Mr Bonnet qu’il fallait que Jeannot devienne notre entraineur et ce ne fût pas négociable.
Il m’a répondu « d’accord, mais mignonne c’est la dernière fois que tu me donnes un ordre »
Jeannot s’est révélé un entraineur magique.
Les JO de 1964 sont arrivés, le délire des 2 sœurs et la confirmation d’un très grand entraineur Jean Béranger dont la foison de médailles ne faisait que commencer.
En même temps Titine et toi essayaient de déjouer la curiosité des journaliste pour cacher votre amour.
1965 les filles gagnaient tout et toi Jeannot tu étais leur héros.
1966 la fracture de Titine et la rééducation. Et votre mariage officialisent votre bonheur : le conte de fées de Val d’Isère. Vous étiez si beaux tous les deux.
Portillo arrivait à l’horizon, et là le feu d’artifice avec ses 16 médailles. Je te revois Jeannot avec les médailles autour du cou, huit en tout et tu as sauté dans la piscine avec Mr Bonnet.
Tu as dit un jour à Anne Marie, mes plus beaux moments d’entraineur, c’est Marielle que je les dois.
Je suis fière de ce compliment, probablement le plus beau avec celui du Général De Gaulle.
Rappelle toi Jeannot quand tu avait renversé ton verre de vin sur la nappe blanche de l’Elysée quand le Général t’a adressé la parole.
Ces souvenirs sont enfouis dans notre cerveau et malgré ton départ Titine et moi transmettront la flamme à nos enfants et petits enfants pour qu’ils n’oublient pas et que eux-mêmes perpétuent nos belles vies.
Jeannot Titine et moi étions le trio inséparable.
1968 les JO de Grenoble ! l’apothéose de Toutoune dans ton pays près de Ferme de Replat où petit garçon au côté de mamie Denise tu avais rêvé de conquérir la Montagne sans pouvoir encore penser que tu donnerai à Allevard ses lettres de noblesse.
Oui Allevard peut te rendre hommage car tel le chevalier Bayard de Pontcharra tu as fait flotter ses couleurs sur les plus grands podiums du monde.
Tu peux partir tranquille mon Jeannot.
Ta famille dont tu étais le patriarche te fera honneur car elle est exemplaire dans ses valeurs que toi et Titine lui avait inculquées.
Quand à moi je m’occuperai de Titine, elle aussi de moi.
Au fait dis aux Dieux de nous préparer la même fin, pas trop vite on n’est pas pressé.
Affute tes carres, prépare ton vélo et tes boules avant que nous arrivions.
Je t’aime Jeannot et pour plagier Édith Piaf et sa chanson.
Mon dieu vous auriez pu nous le laisser encore un peu.
Marielle Goitschel
Allevard, le 21 aout 2012
Merci à tous d’être là….
Pour lui, sa femme, ses enfants et ses petits enfants sa famille….
Il aurait aimé ça parce qu’il aimait les autres, parce que toute sa vie a été tourné vers les autres….
Tout ce qu’il a fait, il l’a fait passionnément, sincèrement, généreusement et toujours avec une grande humanité….
Au commencement était le Replat : quelques hectares de terres accrochés à la montagne, berceau de la famille et lieu chargé d’histoire.
Une maman et des grands parents aimants, des frères adorés : Fernand et Roger. Un papa trop vite parti….
Les premières descentes sur les pentes de Montouvrard avec René Béranger qui sera un exemple….
Le grand père lui disait que « le ski c’est pas un métier » Comme c’était pas un métier il en fait sa vie….
Et mamie ne l’a jamais empêcher de faire ce qu’il aimait….
Il était fier de ses origines paysannes tout comme son CAP de mécano que son père adoptif lui avait fait passer pour qu’il vienne travailler à ses côtés au garage….
De là, il a puisé ses valeurs de travail, d’humanité, de tolérance, et cet amour de la terre, de sa terre…..
Mais son destin était ailleurs….
D’abord compétiteur, puis moniteur et guide, la montagne et le ski l’ont conquis…
De Val d’Isère à Innsbruck, de Chamonix à Grenoble, en passant par Portillo que d’exploits racontés toujours avec passion et fierté.
Ce groupe de filles talentueuses avec Honoré Bonnet, puis chef d’équipe, de dirigeant et enfin président….
Dans ce groupe il y avait Christine : le femme de sa vie….
Sa route a ensuite croisé celle d’un autre grand Monsieur :
Joseph Fontanet qui fera basculer sa vie en l’emmenant dans un endroit magique et désert où tout restait à faire….
Avec maman, ils sont tombés amoureux de cette belle vallée qui fut le départ d’une autre épopée : celle de Val Thorens.
Avec les Josserand, les Gorini, les Rey, les Coppier, les Richard, les Loubet, les Furelaud et d’autres : avec Grand Guy qui sera toujours à ses côtés, ils ont façonné en 40 ans l’une des plus grandes du ski….
Georges Cumin puis André Plaisance, maires de St Martin de Belleville lui ont fait confiance et le bellevillois lui ont fait l’honneur de les représenter comme maire-adjoint durant 2 mandats.
Il a rempli cette mission comme à son habitude avec dévoue ment et sérieux.
Puis est venu le temps de la retraite sur Allevard où il aspirait à passer le plus de temps possible avec ses copains de toujours, ses frères et sa famille…
Le vélo, les boules, ses petits enfants qu’il chérissait, la Corse…tout cela s’est arrêté un beau matin d’été…
Il est parti pour son dernier tour de vélo avec ses copains…
Il nous laisse son immense amour, sa sagesse, son optimisme, sa force et sa simplicité…
D’Allevard à Val Thorens, du syndicat des moniteurs à la fédération française de ski, du comité de Savoie au club des sport de la mairie à l’office du tourisme, des chasseurs Alpins’les diables bleus » à toutes les associations qu’il a présidé, qu’elle œuvre extraordinaire a été sa vie….
Cela aura été une grande fierté pour nous d’être les filles de Jean Béranger…
Il aura été un grand Monsieur, un papa et un grand père formidable….